Cet automne, le premier Munch and Play de Dèmonia a réuni le noyau dur de la communauté BDSM parisienne pour une croisière sur la Seine. Ils sont venus avec du matériel et de l’entrain pour s’en servir, sans toilette ni costume autres que des vêtements noirs. Après un parcours identique à celui des bateaux de l’inauguration des J.O, la péniche affrétée pour l’occasion retourne aux amarres. Tout le monde descend aussitôt dans les cales. Cordes, fouets et accessoires jaillissent des mallettes et des sacs, et même d’une housse de guitare. Des bracelets colorés différencient les donneurs, les receveurs, les donneurs-receveurs et les neutres sous l’impulsion de PariS-M, l’organisateur des munches parisiens.
Si les appellations varient, les pratiques et l’engouement restent les mêmes. Sous les barrots du pont, Ness Harper, chef d'orchestre et premier violon à la fois, ne manque pas de victimes, vite déculottées pour s’offrir au cinglement de sa collection de fouets. L’ambiance contraste avec celle des défilés de fétichistes authentiques ou occasionnels, ces arpenteurs des soirées qui perdurent depuis les années 90 sous l’impulsion première des grandes fêtes londoniennes dans un monde qui n’a jamais compté autant d’exhibitionnistes qu’aujourd’hui, de quoi satisfaire l’avidité des voyeurs venus eux aussi pour se montrer, mais ce n’est pas si simple : le vrai voyeur aime regarder ce qui est caché plutôt que ce qui est montré avec ostentation. Rien de tel en fond de cale.
Un couple d’étudiants surgit. La fille, 22 ans peut-être, se jette à plat ventre sur un banc d’école. Le nez enfoui dans la masse bouclée de ses cheveux bruns, elle retrousse sa jupe à carreaux, montrant ses fesses rondes sous ses collants résille à grandes mailles, les jambes repliées sur le côté par timidité. Son frêle ami en chemise blanche, un romantique aux cheveux longs sort une tapette et une brosse à cheveux et lui en martèle gentiment les fesses. La correction achevée, la fille enfile à la hâte son imper et le couple s’en va comme il est venu. La fille avait-elle un gage ? Avaient-ils fait un pari ? Cap pas cap ?
En fin de soirée, remontant à l’air libre sous un ciel bleu marine, je découvre un groupe de gothiques lookés de vêtements fétichistes tout neufs, assis à siroter des bières. Je les ai aperçus plus tôt dans la cale. Ce qu’ils y ont vu les a probablement laissés perplexes. Trop réel pour eux. Un poil trop fort aussi, peut-être. Et puis la curiosité des jeunes générations s’émousse vite. Alors ils rêvent en silence à l’extrémité du pont, à leurs débuts qu’ils feront peut-être bientôt, sans trop savoir où ni quand. Je photographie les couleurs des lampions qui se reflètent sur les chaussures neuves d’une des filles en souvenir avant de gagner la terre ferme.
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