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Gala Fur

La sexualisation du slip


Entre 1955 et 1960, des firmes s’intéressent à ces parties subalternes et inavouables de l’habillement. « Eminence », à l’enseigne paternelle des princes de l’Eglise, qui créent des modèles originaux en coton uni, « Kangourou » dont le sigle déclare l’essentiel, une poche énorme pour accueillir avec le maximum d’égards une anatomie indocile en préservant les tissages inesthétiques traditionnels, façon d’apaiser les familles collet monté. L’on passe en douceur de l’usage au confort au moment où les ménages s’avalisent à coups de machine à laver le linge ou la vaisselle, de frigidaires et de télévisions.



Sans éclat, jusqu’au terme des années soixante, quand soudain, à l’apogée de l’ère de croissance, le slip, décidément pionnier, sacrifie le confort à l’art. La taille basse, la couleur, le synthétique investissent les bonneteries, atteignent les grandes surfaces et les banlieues, se répandent dans les campagnes, arrachant le sous-vêtement à la morosité d’un destin hygiénique pour le promouvoir conjointement en gadget et en ressort de l’élégance à l’exemple de la cravate ou de la chemise. Les marques classiques sont en déroute. « Jockey » le géant américain, rivé aux lignes tristes, au blanc et aux côtes style « Petit bateau » d’avant-guerre, ferme son usine française. Aux adultes de trente à quarante ans constituant la majorité des acquéreurs, se joignent progressivement des jeunes gens, voire des enfants qui surmontent la résistance des mères, certaines préférant prendre les devants : « Maman a du goût » relate, enthousiaste, en 1974, Claude, 19 ans, étudiant en sciences économiques, « elle m’achète des slips très jolis, en couleur et même à fleurs. » [1]

Les femmes se livrent à des réflexions touchantes :


Encouragés, ces messieurs se laissent aller aux confidences : moi qui suis pudique, déclare un cadre de trente-cinq ans, avec un slip de couleur, je peux circuler plus librement dans la maison. Et ma femme se montre à son tour plus facilement en petite tenue. Notre vie intime en a été améliorée. » Un homme y va encore plus carrément. La taille-basse, la couleur agissent comme des signaux : « quand le zizi est proéminent dans le slip, peut-être que ça aguiche davantage les filles, il se voit à l’œil nu, il n’est pas perdu dans le pantalon. »

De ce bout d’étoffe, le symbole excède les morphologies, même flatteuses, il introduit à une phénoménologie inédite de l’apparence. « Jil » montrant un homme au slip anachronique en butte aux quolibets d’un groupe d’amis « modernes » s’inscrit dans la lignée française des romans d’initiation. (…) La fortune du slip fantaisie souligne, dans la lutte des classes, la mutation du corps masculin en instrument de la réussite et du bonheur. Jean-Paul Aron, Les modernes, 1986.


Galerie du mois : modèle de slip Intimissimi Vintage, pour le service en soirée.

[1] Cf. Le Nouvel Observateur, 2 décembre 1974.

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