Elle porte un phallus là où le fétichiste se l’imagine : son pied (qu’elle lui donne idéalement à lécher) son poing (prêt à fister) ou le fameux gode-ceinture destiné à la sodomie de son partenaire. Autant dire que, dans les jeux sexuels, la femme phallique a un rôle à la fois actif et… symbolique !
Autrefois, elle portait la cravate. Latex moulant, robe-liane à la Grace Jones ou à la Marlène Dietrich, corsets suggestifs, bottes ou cuissardes de cuir ou de vinyle, gants noirs, ses parures soulignent son ambivalence, et sa puissance ravageuse. Elle est tantôt aguichante, tantôt lointaine, souffle le chaud et le froid, attise le désir, « tease ».
Dans un couple, elle monte son homme en cavalière dans l’intimité et le jette à plat ventre sur le lit à la sauvage, à l’image de l’homme viril. Si la domination est limitée au temps d’une session, alors elle le dirige. Niveau 1 : elle lui donne son pied à vénérer. Niveau 3 : elle enfonce son poing ou son gode dans son anus. Mais qu’en est-il du plaisir de ces amazones, équipées de gode-ceintures et de plugs, ces dominas qui ne vivent pas les rapports sexuels classiques de l’univers hétéro dans une chambre à coucher ?
Leur plaisir peut être sensuel : la base du gode-ceinture frotte contre leur pubis et le haut de sa vulve à chaque va-et-vient. Mais le plaisir de la femme phallique se situe avant tout dans le topspace, le contrôle total du plaisir de l’autre - cette sensation de toute puissance de posséder l’autre - qui la porte aux nues à la manière d’un pilote de planeur gérant une ascendance pendant que, sous son joug, son partenaire s’abîme dans le subspace, l’espace du lâcher-prise dans lequel il se vautre. La plupart d'entre elles ne prennent leur plaisir (sexuel) que dans le topspace … à moins d’être switch ! De temps à autre, une femme switch se plaît à renverser les rôles : laissant son gode-ceinture dans son étui, elle s’octroie un repos de la guerrière, s’abandonnant aux mains d’un amant doué pour les jeux de langue à la recherche de la fusion extatique, l’état dans lequel pénis et vagin se fondent et se confondent, quand les amants ne savent plus qui a un vagin et qui a une verge et communient dans une même jouissance explosive, un long orgasme partagé.
D’après la psychanalyse, le masochiste et le fétichiste réparent une blessure qu’ils ont subi en s’apercevant à l’instant T de leur enfance ou adolescence que la femme toute-puissante qui leur a donné la vie et la mort en même temps - leur mère - n’avait pas de pénis à l’entrejambe. Dès lors, une nostalgie inextinguible de la fusion avec leur mère les habite. Ils cultivent inlassablement les mêmes fantasmes pour réparer et recréer, grâce à leur fétiche, la fusion imaginaire. Gageons que la femme phallique répare elle aussi quelques blessures dues à des humiliations subies de la part d’un père ou une mère machiste ou aux affronts infligés aux femmes depuis des lustres.
Jeux SM = jeux de pouvoir. Finalement à travers ces jeux hiérarchiques, chacun réparerait quelque chose. La session SM serait donc une sorte de psychodrame. Et si une dominatrice est instrumentalisée à l’image de La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch, sa pauvre Wanda, privée de l’autonomie financière qui lui aurait permis de tenir la dragée haute à son amant manipulateur, c’est qu’elle le veut bien ou… qu’elle n’a pas la carrure du rôle.
La galerie du mois : Jimmy de Sana, photographe et performeur de la scène punk de l'East Village, était un ami de Mapplethorpe et de Warhol intéressé par le corps humain dans toutes sortes de postures ( photo noir et blanc). Il est décédé en 1990.
Eric Kroll, photographe newyorkais contemporain du précédent a lui aussi des rêveries et des fantasmes BDSM et un goût prononcé pour les Fetish Girls ( ed.Taschen).
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