Ma monture a choisi le nom de Flamboyant. Il s’est équipé d’éperons dorés pour rendre mes bottes cavalières meurtrières, d’une selle de poney-boy, de rennes, de genouillères pour protéger ses genoux durant la course et d'une cagoule pour garder l’incognito. Après s’être entraîné à trotter à quatre pattes, il a ajusté les sangles de sa selle grâce à des manilles de sorte à ce qu’elle ne tourne pas en m’entraînant au sol. Après avoir testé des cravaches sur lui, j’ai choisi un modèle de fouet court : le bonhomme n’est pas très grand et ne me rappelle en rien Onyx, le cheval de mon enfance, noir comme la pierre dont il portait le nom, celui qui m’a donné le goût de l’équitation.
A l'heure du goûter, le prix de Diane est l’attraction du petit club parisien sous l’égide de la maîtresse de cérémonie Ness Harper, et de la marraine de la course, Diane de Séléné. Je porte une veste d’équitation en latex, une jupe-short, des collants rouges, des bottes cavalières noires et un haut de forme à voilette et dentelles.
Hélas aucune monture autre que Flamboyant dans le paddock ! Nous cherchons un volontaire. Rouflakette, fétichiste de la fourrure, répond « pourquoi pas ? » aux sollicitations. Ses fétiches, ce sont les renards, roux, blanc, brun ou teint en violet dont il possède une collection à Nice, et qu’il porte chez lui à même la peau. Ces peaux d’animaux sauvages des 70’s auraient atterries dans une décharge si des fétichistes comme lui ne leur donnaient pas une seconde vie. Indifférent à la chaleur dégagée par le public venu nombreux, Rouflakette arbore un immense col de renard qui lui couvre tout le torse, et qu’il confie à une personne de confiance. Cet homme, d’une grande stature a de l’allure et n’a jamais imaginé servir de monture, mais il est ouvert à tout. Sonia, l’assistante spécialisée en équitation, l’harnache d’une selle de cheval véritable, un grand modèle de cuir noisette qu’elle sangle d’une main experte.
Rouflakette est sur la ligne de départ aux côtés de Flamboyant encagoulé, leurs cavalières sur le qui-vive, rennes et cravache aux doigts, l’éperon frétillant. Les concurrents devront parcourir toute la longueur de la salle, faire demi-tour sans se heurter, et revenir au bar. Diane de Séléné donne le signal. La course dure deux minutes, à peine le temps de frapper les flancs de ma monture qui me ballote de tous les côtés dans son enthousiasme à trottiner vite. Arrivés au fond de la salle, nous avons deux longueurs d’avance. Jeune, vif, et équipé de ses fameuses genouillères capitonnées, Flamboyant remporte haut la main la cravache d’or qu’il me remet en souvenir.
Il m’enverra le lendemain la photo des traces laissées ici et là sur sa peau par mes éperons. Je n’aurais jamais blessé ainsi mon bel Onyx, le petit cheval arabe de mon adolescence dont le souvenir me hante encore. Mais Flamboyant adore ça.
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