Des jeunes s’amusent à faire grossir leur amant.e à coups d’énormes portions de nourriture. Le feeder (celui qui nourrit) prend son pied à voir son amour s’empâter, à modifier son physique à l’extrême jusqu’à l’emprisonner dans son corps pour mieux le posséder, s’engouffrant dans la faille qu’il a détectée puisque sa victime souffre généralement d’une mauvaise hygiène alimentaire et/ou d’une addiction.
Un exemple (personnel) assez frappant :
ma ravissante nièce de 21 ans a atteint 75 kilos pour 1.62 m avec des seins comme des pastèques, des bras pareils à des jambons et son petit copain suédois au physique de mannequin continuait de la resservir à volonté sans jamais lui parler de sa voracité ou de sa prise de poids comme d’un problème, elle dont la mère (ma sœur, qu’il connaît bien) souffre aussi d’une sérieuse surcharge pondérale. Est-ce une manière de coincer dans son corps cette jolie fille lumineuse et joyeuse ? De gâter sa beauté ? De l’humilier ? Pendant une année sabbatique en Australie le jeune Suédois, paresseux taciturne et narcissique, s’est contenté d’envoyer des CV tandis que ma nièce, tonique et entreprenante, était tour à tour serveuse, vendeuse, puis démonstratrice en parfumerie pour faire vivre le couple.
Après avoir quitté son copain, elle a perdu 30 kilos.
Reba Maybury, une artiste anglo-pakistanaise qui exerce comme dominatrice professionnelle à Londres sous le nom de Maîtresse Rebecca, raconte dans son livre Dining with Humpty Dumpty (vendus dans les musées anglais) comment elle a gavé un de ses clients fétichiste de la bouffe, le traînant d’un restaurant à l'autre, commandant pour lui une foule de mets bourratifs, l’humiliant devant les serveuses, et faisant tomber peu à peu sa façade de proféministe (photo : Maîtresse Rebecca).
Quand la nourriture est un fétiche, on l’ingurgite, on s’en barbouille, on la lèche à même la peau de son amant.e s’il s’agit de chocolat, de chantilly ou de ketchup. Gâteaux et crèmes glacées participent à la vie sexuelle, le feeder suralimente l’autre : « allez, encore une cuillère ! » dans une orgie de malbouffe partagée. Même si les risques liés à la santé de l’obésité sont connus de ces fétichistes, le caractère borderline de la dérive est un excitant. A l’heure où les obèses sont légion (1 Américain adulte sur 2) bâfrer et dilater sa propre chair est une manière d’exprimer son refus des diktats de minceur et de défier la grossophobie ambiante en jouissant de ses propres bourrelets, exhibés comme une obscénité. Plus de 100 000 photos de feedees sur le compte "feederism" sur Instagram... L’industrie agro-alimentaire et sa junk food riche et sucrée n’est-elle pas responsable des débordements de ces jeunes vulnérables, responsable de cette ultime boursoufflure de notre société de consommation qui touche à sa fin ?
JE L’AIME À NOURRIR (roman)
Une jeune enseignante influençable, contrainte de quitter son appartement, se retrouve en situation de grande fragilité. Dévastée par des crises de boulimie extrême, elle lutte pour sa survie psychique, elle rencontre un coach qui propose des accompagnements personnalisés teintés de New Age et de mysticisme et qui, par le biais d’un strict contrôle alimentaire visant à la faire grossir, l’entraîne au fil du temps dans un effrayant processus de dépersonnalisation. Un aller, sans retour ?...
Un roman de mon amie Viviane Renaud, en librairie le 28 octobre 2022.
Galerie du mois : aquarelle d'Edith Meijering. Dessin humoritistique (feederism sur Instagram). Photo de Maîtresse Rebecca (Reba Maybury).
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